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 Les Chroniques de Silk.

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Silk
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MessageSujet: Les Chroniques de Silk.   Les Chroniques de Silk. EmptyVen 19 Jan 2007 - 23:42

Chapitre premier.


C’était la nuit. Des cris déchiraient l’opaque voile d’assoupissement qui engloutissait la ville. Un bébé.

Quelques jours auparavant, dans la fournaise du désert des cinq sages, les mêmes pleurs percèrent le paisible silence des sables endormis.
Le lendemain matin, un jeune homme simple, en chemise blanche et pantalon de voyage brun, maculé de tâches, basané, musclé, vaillant, les yeux bleus et souriant, se rendit à l’oasis la plus proche afin d’y récolter de l’eau pour sa chère petite famille qui comptait un membre de plus depuis quelques heures.
Serein, heureux, il portait fièrement sur son front l’étendard du jeune père de famille. Toute sa personne rayonnait de joie, tels milles soleils parcourant ensembles les vastes dunes.
L’avenir était aussi prometteur et certain que le fait céleste qui faisait briller les étoiles sur la voûte des dieux.

Ainsi, chantonnant une de ces douces berceuses que l’on entend uniquement au pays des sables, il puisa l’eau rafraîchie par le vent de la nuit. Courbé sous le labeur presque achevé, il se voyait déjà chez lui, son fils dans les bras et sa femme sur le lit, exténuée par l’accouchement mais d’autant plus belle qu’en ses yeux brillaient maintenant deux amours : celui pour son mari et son fils. Il s’imaginait presque son fils adulte car le temps, en effet, passe tellement vite qu’il vaut parfois mieux l’anticiper afin de ne pas se faire surprendre. Il lui apprenait son métier, sa vie, sa morale, ses doutes, sa philosophie pour qu’ainsi, de lui, puisse perdurer son image, le reflet de son âme au travers des liens de chair et de sangs qui l’unissaient à son fils.

Des bruits étouffés brisèrent cet éphémère moment, la rêverie d’une seconde. Il se retourna mais rien ne sembla bouger à part les nuages dans le ciel et l’astre des jours qui reprit son droit sur l’aube. Le ciel se teinta d’une pâle nuance lumineuse, un nouveau jour commença. Cependant, l’homme sembla maintenant nerveux. Toute trace de joie avait disparu en un éclair, comme si le rêve de tout à l’heure avait laissé place au plus affreux des cauchemars.
Quelques gouttes de sueur froide perlèrent sur son front ou coulèrent le long de sa nuque. Quelque chose l’effrayait.
Il se rabaissa de nouveau et puisa les quelques gouttes qui lui manquaient quand soudain, une ombre étala sa peur sur lui. Il ne se releva pas, il continua de fixer la surface sans ride de l’eau. Sans doute y voyait-il là l’image même de l’homme se tenant derrière lui, les bras croisés sur sa poitrine. Il était vêtu d’un long manteau noir couvrant chaque partie de son corps. De part ce fait, il semblait être taillé dans le marbre, ciselé d’une pièce dans la matière la plus obscure qui soit. Son visage était masqué, entouré d’un fin tissu sombre ne laissant apercevoir que ses yeux dont la couleur était indéfinissable, changeante avec les variations de lumière. Tantôt gris, tantôt noirs, marrons foncés ou bleu d’encre. Cet aspect, mêlé au tout, donnait à cet individu un air volatil, immatériel. Ce fut d’une voix faible, presque inaudible qu’il s’adressa au jeune homme en ces termes :

« Tu me dois de l’argent. »

L’air semblait lourd, plus rien ne se passait. Notre jeune père continuait de fixer l’eau, la tête basse. Réfléchissait-il ? Avait-t-il honte ? Personne ne pourrait y répondre.
Toujours est-il qu’il resta muet. Plusieurs minutes passèrent ainsi. Minutes durant lesquelles seul le vent, soulevant des nuages de poussière, agrémenta la discussion.

Une respiration plus tard, il avait disparu. Le monde entier se relâcha, un souffle nouveau dégagea l’oppressante sensation qui avait envahi les lieux.

Sans plus un bruit, il se chargea de son fardeau et reparti, songeur et tourmenté. Au fur et à mesure que ses pas le rapprochaient de chez lui, il s’efforça de plaquer un sourire sur ses lèvres brisées par le souci. Faire semblant de rien et vivre heureux, jeter les soucis sur le bas-côté de la route en espérant qu’ils s’y perdront. L’aura de joie qui l’entourait était maintenant ternie et faible. Ses lèvres tendues par l’effort de volonté étaient un masque grossier d’ironie et, pour des personnes attentives, il aurait été aisé de lire dans ses yeux toute la tristesse d’un homme qui cache une vérité pour rendre le mensonge plus supportable à sa famille et surtout à lui…

Il rentra donc au village et pris les mêmes sentiers granuleux par habitude, sans relever la tête, comme s’il voulait se cacher du monde sous la masse de ses cheveux en bataille. Il salua les mêmes personnes, acheta les mêmes fruits que d’habitude et se retrouva finalement et fatalement en face de la même porte qu’il ouvrait chaque jour. C’était chez lui.
Une petite maison basse aux murs blancs, quelques petites décorations que sa femme posait çà et là sur les rebords des fenêtres. Qu’il était bon de se démarquer des autres maisons, toutes semblables avec leurs stupides murs blancs et leurs décorations qui n’avaient pour seuls buts d’exister et de masquer la fausse notion de pouvoir être différents des autres quand on avait rien pour sa propre personne. Briser l’uniformité du décor et de sa vie par des babioles sans intérêts, des fleurs à moitié fanées sous la chaleur, des guirlandes pendant mollement, injustement délaissées aux bourrasques nocturnes. Au final, rient ne changeait vraiment, tout demeurait fade, insipide et désespérément vivant.

Et il était là. Ses paquets dans les mains et son fardeau contenant l’eau fraîche sur le dos, la tête posée sur le bois à moitié pourri de cette porte familiale. Il pleurait et personne ne venait sécher ses larmes. Elles coulaient, coulaient et venaient se perdre sur le sol, aspirées par les sables millénaires qui ne laissaient qu’une infime trace du passage des Hommes sur la terre. Ainsi, voila comment, tout joyeux aux premières ombres de la journée, la lumière du matin et le rappel à l’ordre de l’inconnu en noir lui avaient rappelé la triste et sordide réalité.

Il s’essuya avec sa manche. Un homme ne pleurait pas. En une dernière tentative, tandis que sa main cherchait la poignée misérable de la porte, il sourit et entra.
La porte racla le sol et il du s’appuyer de toute ses forces pour que celle-ci s’ouvre tout à fait.
L’odeur de renfermé lui monta directement à la gorge. Il fut pris d’un dégoût énorme mais il envoya au loin cette rageante idée d’impuissance qui lui trottait dans la tête. Il n’y pouvait rien, il ne pouvait rien faire contre le sort, le destin qui l’avait cloîtré ici. L’intérieur était minuscule : une pièce, un lit, une table, une armoire, trois chaises et des murs rongés par la vieillesse. Un soupir de découragement le surpris mais il le fit passer pour de la fatigue quand sa femme, couchée sur le lit, son enfant endormi au creux des bras, le regarda avec un étrange sourire qui semblait lui aussi n’être qu’apparence, contrastant avec ses sourcils froncés et la folle envie de partir d’ici que l’on pouvait lire dans ses yeux. Belle, elle l’était : long cheveux noirs, yeux de corbeaux, le regard fier, le menton anguleux, le corps svelte. L’amour entre ces deux êtres n’avait jamais été artificiel et si l’un et l’autre avaient pu survivre jusqu’ici, ils se le devaient mutuellement.
Ils se compensaient en une symbiose presque parfaite. Un couple unique dans la crasse et la misère anonyme.

Il déposa ses emplettes sur la table et alla s’asseoir près de sa tendre épouse, lui baisa le front et porta son regard sur son fils. Quelle joie que de voir ce petit visage rondouillet, ses petits poings fermés, ces petits pieds froids, cette petite vie qui commençait si mal.
Il ne pu retenir une larme de couler et sa femme, bien que s’unissant à sa douleur, n’en montra rien. Elle savait que rien n’irait bien, elle savait qu’ils ne pourrait se nourrir et le nourrir, elle savait que tout allait mal mais s’aveuglait volontairement pour pouvoir ne serait-ce que continuer à faire battre son cœur déjà à moitié mort.

Le père travailla tant qu’il pu. S’en allant à l’aube, il revenait au plus profond de la nuit.
Ses courtes heures de sommeil et, dans un certains sens, de liberté, lui étaient reprise de droit par les pleurs de son enfant qui réclamait à juste titre le lait de sa mère.
Il diminuait, régressait, perdait des forces. Elle allait devenir folle, emprisonnée dans ce petit espace sans air, bercée par les cris incessants et pourtant naturels d’un petit homme.
Un père détruit par le labeur et une mère étouffée par les lourdes responsabilités que la nature lui avait assignées depuis sa naissance. Il ne subsistait plus aucune joie en cette demeure, plus aucune parole échangée entre les amants, envolées les folles nuits d’amour, perdus les « je t’aime » d’un temps.

Un jour, elle se réveilla et il était encore au lit, la tête enfoncée dans les oreillers durs et incommodes. Elle s’offusqua de le voir dormir à cette heure aussi tardive alors qu’il aurait déjà du être au travail depuis des heures. Comment allaient-ils survivre ? D’où viendrait l’argent ? Elle le secoua, le violenta, vociféra, griffa, frappa mais rien n’y fit. Un sournois pincement lui comprima le cœur et lui gela le corps tout entier. Elle le retourna sur le dos, il la regardait en souriant. Elle en eu presque envie de pleurer car c’était ce même regard qu’il avait les matins où leur vie avait été meilleure, quand elle était heureuse et qu’il était encore de ce monde. Aucune larme ne parvint à sortir de corps asséché de tout bonheur. Elle le contempla, longuement, le regard vide, déjà consumée par la folie et ne s’aperçut jamais qu’au fond de la pièce, dans les ombres étrangement familières à celle d’un matin, tout près d’un point d’eau, un homme, tout de noir vêtu pris doucement dans ses bras le bébé encore assoupi dans son couffin crasseux.

Quelques jours plus tard, dans les quais du port de Trigorn, alors que la pluie s’abattait sur les pavés gris, un cri de détresse se fit entendre. Il y avait là, tout près d’une caisse de marchandise, un petit être enveloppé dans un fin morceau d’étoffe noire, complètement à la merci des éléments et des chiens sauvages qui rodaient dans les parages, à la recherche d’un peu de nourriture.

Dans un écrin à ses côtés se trouvait une lettre et, sur ce bout de papier on pouvait lire ces quelques mots :

Prenez soin de moi. Je suis seul en ce monde et mon nom est Silk.


Dernière édition par le Ven 19 Jan 2007 - 23:43, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les Chroniques de Silk.   Les Chroniques de Silk. EmptyVen 19 Jan 2007 - 23:43

Chapitre second.


On le retrouva dans la nuit.

C’était un marin, un solide gaillard répondant au nom de Borü. Il avait le cuir chevelu clairsemé et, les soirs de pleine lune, son crâne luisait tel une étoile dans le ciel. Il était habillé d’une solide veste de marin, rayée de bleu et de blanc, usée mais propre. Son pantalon était un des plus simples qui soit, pratique pour le travail et fort peu onéreux.
Il disposait d’un sacré vécu. Il avait vogué sur toutes les mers bordants le continent de Vesperae et ne s’éloignait que très peu, de peur de perdre de vue sa chère terre natale. Son rêve était d’être capitaine et de sillonner les océans pour son propre compte. Il n’y parvint jamais. On connut Borü pour son endurance, sa force, sa bravoure, son honnêteté, sa rigueur et son efficacité mais, bien que respecté, son nom ne s’inscrivit jamais au sommet de la pyramide. Il resta Borü, aussi simple que son nom. Maintenant, il se faisait vieux, les muscles de la jeunesse avaient cédé leur place à la bedaine, les chairs se relâchaient, la force s’amenuisait mais jamais il ne se plaignait et continuait à exercer son travail avec autant d’enthousiasme qu’aux premiers jours.
Il avait une femme, Selnia. Rondouillette, le teint rose et pleine de vie. Elle avait une robe jaune, lisse et harmonieuse qui contrastait avec ses longs cheveux d’ébène. Elle n’était pas très belle mais tout son être semblait rayonner d’une bonté sans limite. Toujours souriante, toujours serviable, elle était une femme et une mère parfaite. Elle savait cuisiner, lessiver, instruire, punir, amadouer, récompenser, aimer et faire tant d’autres choses invisibles à l’œil nu qu’il serait impossible de les mentionner.
Ils n’étaient pas fort riches mais ne vivaient pas mal pour autant. Leurs deux enfants, Gelida, la plus grande et Baldo, le cadet, ne manquaient de rien, juste assez pour envier certains jouets et apprendre que dans la vie, rien ne s’acquiert facilement. Ils avaient respectivement six et trois ans.

Un soir, donc, Borü ne rentra pas à l’heure. Ce n’était pas dans ses habitudes et sa femme commençait à s’inquiéter car le repas était froid depuis fort longtemps et il pleuvait. Il allait attraper froid ! Que faisait-il ? Les enfants dormaient au coin du feu, dos à dos, à même le sol, enroulés dans une couverture épaisse. Ils aimaient dormir là, c’était leur coin à eux et rien, pas même un lit ne les aurait convaincu d’abandonner leur paradis de chaleur et de crépitements doux. Elle attendit, anxieuse, assise sur une des chaise de la salle à manger en se rongeant les ongles. Elle regardait sans cesse par la fenêtre et parfois, son esprit s’égarait dans des souvenirs où Borü était la pièce centrale. Elle revivait son mariage, sa première nuit d’amour, les mots doux qu’ils s’étaient échangés. Elle avait peur et le simple fait de revoir les anciens colifichets, souvenirs heureux d’un passé commun, la faisait pleurer.

Alors qu’elle désespérait totalement, la porte s’ouvrit d’un coup et le chef de famille apparut dans l’encadrement, faisant rentrer avec lui une vague de froid qui manqua de faire éteindre le feu dans l’âtre. Il était trempé, misérable sous la pluie battante et courbé en deux comme s’il tenait à protéger quelque chose de précieux. Selnia se rua sur lui et le pinça au bras, là ou la chair est la plus tendre, comme elle le faisait toujours lorsqu’ elle était fâchée.

Selnia : Ou étais-tu donc passé ? Te rends-tu seulement compte de l’heure qu’il est ? Et moi hein, hein, hein ? Le souci ! La peur ! L’angoisse ! Qu’il est dur de nos jours d’être mère de famille et de devoir attendre que môssieur l’homme daigne seulement rentrer ! Que faisais-tu ? Tu buvais à la taverne ? Tu…

Borü : Silence la femme ! Tu vas faire peur à mon invité !

Elle cessa de marteler son mari de petites claques dans le bras et baissa les yeux -encore emplis de larmes que sa peur avait fait couler- vers les deux paumes jointes de sa grande barrique d’homme. Elle fut sans voix lorsqu’elle le vit, emmitouflé dans un grand linge noir, il la regardait de ses yeux sombres avec un calme surprenant, presque anormal.
Toujours muette, elle interrogea Borü du regard d’un froncement de sourcil.

Borü : Je l’ai trouvé sur les quais, près d’une caisse d’épices en provenance du grand bac à sable qu’les autres appellent l’île des cinq sages. Il braillait comme j’ai jamais entendu brailler un gosse. Hurler qu’il faisait, en même temps c’t’un peu normal avec le temps qu’y fait.

Selnia : Comment…et que veux-tu…et à qui… ?

Le choc émotionnel lui faisait perdre ses mots, elle ne parvenait plus à formuler la moindre phrase. Borü se contenta d’hausser les épaules et de donner à sa femme un petit écrin de bois tout trempé, dans lequel se trouvait un bout de parchemin. Elle entreprit de le lire et releva ensuite les yeux vers le bébé et son mari.

Selnia : Silk ? Un drôle de nom….

Borü : C’t’un bien drôle de gamin s’tu veux mon avis la femme mais bon, on l’a trouvé et, même si j’sais pas bien lire, j’crois que j’ai pu comprendre qu’il est tout seul le petiot.
On manque pas vraiment d’argent…


Il plongea son regard dans celui de sa femme, cherchant son appui.
Elle soupira. Une charge de plus dans la maison mais cela passait au second plan. Ils étaient des gens fondamentalement bons et Selnia adorait les enfants. Elle ne pu s’empêcher de l’adopter et de vouloir le chérir comme une mère l’aurait fait avec son propre fils. Elle le prit dans ses bras et quelques minutes lui suffirent pour s’endormir, bien au chaud au creux des bras d’une mère. Ce n’était pas les liens du sang qui les unissaient mais l’amour se suffisait à lui seul.

Et passèrent les années comme passent les nuages sur la voûte céleste de Vesperae.
Huit longs Vina se succédèrent, l’un après l’autres et, telles de jeunes pousses dans la forêt magique de Cirel, les enfants grandirent à une vitesse ahurissante.

Par un matin de Deficos, alors que la neige recouvrait chaque parcelle de terre, l’ont pouvait apercevoir de petites traces de pas s’éloignant de la maison de la famille qui avait recueillit Silk. Si l’on comptait bien, il y avait là trois pieds différents. Une grande semelle, longue et étroite, un petit pied rond et menu, et un pied moyen, sans grandes distinctions particulières.
Et, si par un quelconque hasard, il vous plaisait à suivre cette piste, elle vous aurait mené à travers bon nombre des ruelles tortueuse caractérisant cette vieille Trigorn. Vous auriez pu apercevoir les artisans qui préparaient leurs étales, vous seriez passé devant les boulangeries, avec leurs odeurs de pains chauds et de douceurs matinales, devant la forge et sa chaleur volcanique, devant l’auberge des fées et son brouhaha quotidien pour finalement aboutir devant les trois gorgones où s’amusaient trois bambins. Ils n’étaient ni gros, ni minces, ils étaient comme tout le monde, invisibles parmi la masse. Deux étaient des garçons, l’autre, la plus longue de tous, était bien entendu une fille.
Elle avait la couleur des cheveux de sa mère et la même longue robe jaunâtre. Son teint était pâle et elle avait des taches de rousseurs qui, d’après son père, remontaient à son ancêtre Birö le matelot. En ce qui la concernait, elle se serait fort bien passée de cet héritage qu’elle trouvait disgracieux. La jeune dame était en effet arrivée à un âge où plaire aux jeunes mâles était une priorité absolue.
L’un des garçons folâtrait sur la tête d’une des gorgones de pierre, risquant sa vie pour sauver la ville, se battant contre ces trois affreuses mégères et obtenant une gloire sans limite. Tout le monde l’acclamait : Baldo le grand, fils de Borü. Armé de sa petite épée de bois, il pourfendait sans relâche la pierre épaisse et gelée. Il était tout de vert vêtu si bien qu’il ressemblait d’avantage à une mauvaise herbe qu’à un garçon de onze ans. Seule une petite touffe de cheveux bruns se détachait de son costume uniforme.

Dans un recoin de la statue, à l’ombre et protégé du froid par le socle de ces chimères d’un autre temps, on apercevait à peine un petit bonhomme pas plus haut que trois blobs. Il contrastait avec les couleurs vives de sa sœur et de son frère. Il se plaisait à porter du noir, qui selon lui, allait à merveille avec ses cheveux de jais et la pesante obscurité de ses yeux. Il était un peu plus basané que la grande majorité des habitants de cette ville mais il ne savait trop pourquoi. Il préférait laisser cette question de côté et ne pas se gâcher la vie en perdant du temps de jeu.
Il était assis à même la neige, petite tache noire dans la pureté cristalline et semblait extrêmement concentré sur un petit objet qu’il tenait de ses deux mains gelées et engourdies. Son petit nez, rouge sous l’effet du froid, était tout proche de son centre d’intérêt et il semblait ne rien vouloir lâcher.

Gelida, qui tentait vainement de s’attirer les regards des quelques jeunes personnes masculines, se rendit compte de cet affairement et, d’un froncement de sourcil, elle s’approcha de son frère. Elle se planta là, les mains sur les hanches, sourcils froncés et lui fit de l’ombre, ce qui ne manqua pas de lui faire relever la tête.

Silk : Bha quoi ?

Gelida : Encore avec ton…truc ? Tu es énervant tu sais ?

Il tendit la main en direction du visage de sa sœur et ouvrit la paume pour bien lui laisser voir l’objet en question. Il détacha chaque syllabe comme si elle eut été stupide.

Silk : Ca….de…nas.

Elle s’empourpra et prit les grands airs de ces jeunes dames qui, se considérant déjà comme des femmes, pouvaient bien se permettre quelques crises de nerfs passagères.

Gelida : Rhoooo ! Tu es impossible ! Oser se moquer ainsi de ta si gentille frangine ! Je mérite pas ça quand même !

Silk : Ben…tu n’avais pas l’air de savoir ce que c’était…

Gelida : Mais si ! Bien sûr que oui ! Me prendrais-tu pour une sotte ?

Silk : C’est pas vraiment ça mais…

Gelida : Eh bien donc ! Pourquoi t’acharnes-tu à essayer d’ouvrir ton… « cadenas » avec cette fichu tige de métal ?

Un peu penaud, Silk ne sut que répondre. Il regarda la tige de fer toute tordue qu’il gardait effectivement toujours sur lui et plus particulièrement dans sa main, en ce moment précis.
Dans un élan d’intelligence, il sortit spontanément une réponse digne de figurer dans les annales.

Silk : J’sais pas.

Elle abandonna la partie, désespérée de voir son frère s’adonner à une pratique aussi peu pratique. Dire qu’il pourrait se pomponner, se faire beau, attirer les donzelles ! Halalala, quelle exaspération !
Baldo, toujours occupé à faire le singe sur les statues s’arrêta subitement. Dans un même mouvement, Silk et Gelida levèrent la tête vers celui-ci et puis échangèrent un regard.
Silk ne pu s’empêcher de poser la question à son frère.

Silk : Me dis pas que…

Baldo le regarda, l’air apeuré et un son étrange sorti de son estomac.

Baldo : Mon ventre gargouille…

Silk : Ca veut dire que…

Baldo : Il est midi et…

Gelida se tapa le front de la paume de la main, horrifiée.

Silk : On est en retard pour manger !

Dans une synchronisation parfaite, Silk se leva, Baldo sauta d’un bond des statues et Gelida rehaussa le haut de sa jupe afin de pouvoir, tout comme ses deux frères, se mettre à courir à toute vitesse en direction de la maison. Selnia n’aimait pas les retards et ils se firent copieusement gronder ce jour là.

Quelques semaines plus tard, une dispute éclata tout près de l’école de magie.
Un apprenti mage de l’école de magie des hauts quartiers de Trigorn avait en effet des vues sur Gelida et cela ne plaisait absolument pas à ses deux frères. C’est pourquoi, en cette fin d’après midi bruineuse et boueuse – signe que Lanjis écoulait ses derniers instants de vie pour une année- on retrouva une boule compacte autour de laquelle se trouvait une bonne dizaine d’enfants formant un cercle parfait autour de celle-ci. Ils hurlaient des invectives, des incitations à la bataille, à la guerre ! D’entre toutes les voix, une ressortait particulièrement : celle de Gelida. Elle leur criait de cesser immédiatement, de ne pas de battre pour elle – car, en effet, la boule compacte était en réalité un amoncellement de pieds, de troncs, de bras et de jambes formés par Silk, son frère et l’apprenti mage répondant au nom de Gugul. Cependant, au milieu des cris effarouchés de la demoiselle, il était clair et certains qu’elle éprouvait un plaisir immense à voir des hommes, des vrais, se battre pour elle. Elle vivait presque un conte de fée…

C’est un Gugul mortifié qui rentra chez lui ce soir là, à la surprise générale de toute sa famille qui s’empressa de lui jeter des sorts de soins à n’en plus finir. D’après les rumeurs, on pouvait encore entendre Baldo et Silk rire à en pleurer dans tout le quartier durant une bonne dizaine de jour à la moindre évocation de leur ami le mage. Silk eut à cet égard une phrase encore une fois mémorable.

Silk : Tous des lopettes ces mages.
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MessageSujet: Re: Les Chroniques de Silk.   Les Chroniques de Silk. EmptyVen 19 Jan 2007 - 23:49

C’était Moniac, tout était fort sec en cette saison. Il était parti chercher des fruits au marché, seul. Toute la famille était restée dans la maison. Borü leur lisait une histoire qui n’intéressait pas Silk et il s’était proposé de se rendre utile en allant faire quelques emplettes.

Il était dans sa rue et fixait le sol tout en marchant, perdu dans ses pensées. C’est avant tout l’odeur qui l’incita à relever la tête, puis vinrent les cris d’horreur. Il lâcha son panier et couru de toute la force de ses petites jambes mais ne pu jamais passer au travers de la foule compacte qui s’était amassée autour de la maison en flamme. Il ne savait pas s’ils étaient vivants, morts, agonisant. Il voulait les aider mais il ne parvenait pas à se frayer une route, aucun de ces gros balourds d’adultes ne le laissaient passer. Etait-ce le bois qui brûlait ? De la chair humaine qui se consumait ? Est-ce que ce cri était celui de sa sœur, en train de brûler doucement ? Il gémit, retenant ses sanglots pour plus tard, impuissant face à l’horreur qui se déroulait devant lui. Il avait la nausée, la fumée lui montait aux narines, l’asphyxiait, il allait vomir. Son teint pâlit à vu d’œil, il n’était plus qu’un spectre et sa a longue tignasse en bataille soulignait d’autant plus se détail. Il grelottait, tentant vainement de retenir les spasmes de dégoût et d’inquiétude de son corps. Incapable de hurler, il restait spectateur de la fatalité.

Une main se posa sur son épaule. C’était un homme d’une soixantaine d’années. Il avait la peau qui commençait à se rider, surtout au coin des yeux et une barbe de quelques jours- blanche tout comme ses cheveux courts- lui mangeait le visage. Oui, les yeux, c’est bien ce qui le marqua le plus car ils changeaient de couleur au gré des modifications de la lumière, provoqués par les flammes en provenance de la maison.Ca détail le marqua, malgré sa confusion mentale et l’état de choc dans lequel il se trouvait, là, seul, au milieu de tous ces gens venus admirer le spectacle tandis que d’autres essayaient de rentrer dans la maison pour sauver ce qui pouvait encore l’être.

Le temps se suspendit, Silk n’entendit plus les cris, ne sentit plus la fumée, n’avait plus peur. Un léger bourdonnement se faisait entendre au creux de son oreille et il avait la vague impression de l’avoir déjà vu. Il était habillé d’une drôle de façon, c’était un étranger et tout comme Silk, il portait exclusivement du noir.

Une ombre passa au coin du champ de vision du petit garçon puis, subitement un choc contre sa tempe.
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MessageSujet: Re: Les Chroniques de Silk.   Les Chroniques de Silk. EmptyVen 19 Jan 2007 - 23:55

Chapitre trois.


Renop 1227. Dans la calèche.

Il avait grandi, changé, transformé par le temps et les incidents d’une vie bien mouvementée.
Il était souple, élancé, svelte. Il ne restait plus rien du petit enfant d’autrefois.
Son regard était vide, comme un âtre dans lequel brûlerait un feu ardent. Il était devenu synonyme de mauvais présage car, disait-on, toute personne qui osait le regarder d’un peu trop près recevait en récompense le courroux du Maître. C’était son protégé, son disciple le plus fidèle et le plus prometteur. Le Maître n’entraînait personne d’autre, ne parlait presque à personne, ne se confiait jamais, sauf à lui. Ils s’habillaient de la même manière. Tout en noir, un long manteau masquant totalement le corps car, dans le milieu dans lequel ils évoluaient, il valait mieux masquer les apparences. Une autre rumeur voulait que, se faisant vieux, il avait décidé de tout apprendre de son art à son meilleur élève.
Cependant, le petit garçon, sorti de nul part il y a de cela sept ans, n’était pas un élève de la corporation, il était apparu, un soir, d’on ne sait où…

La calèche roulait à un train d’enfer sur la route chaotique. Le cocher fouettait les chevaux jusqu’aux sangs, prenait les chemins les plus tortueux, s’engouffrait dans des forêts aux histoires oubliées.
A son bord : un vieillard et un adolescent. Bras croisés, ils regardaient le paysage défiler à toute vitesse tandis que le soleil déclinait lentement derrière l’horizon.

Blasdon, 1220. Dans une cave.

Sa tête, son esprit et ses sens n’étaient plus qu’un amas confus. Il reprit connaissance avant d’ouvrir les yeux et ses sensations lui revinrent petit à petit. La soif lui brûlait la gorge, la faim tiraillait son corps tout entier, une douleur lancinante se propageait de sa tempe jusqu’à la mâchoire, il se sentait sale et l’endroit puait.
Les derniers moments de conscience lui revinrent. Il revit la maison en flamme et l’homme étrange qui s’était approché de lui.

Enlevé. Soit. Avec un sang froid peu commun, il se redressa sur son séant et, au lieu de pleurer, gémir et crier au secours, il analysa la situation. C’était une petite pièce, sale, lugubre et éclairée par la seule minuscule bougie de cire se consumant sur la table de bois grossier.
La faible lueur rendait l’atmosphère oppressante. On pouvait apercevoir un dallage de pierre et à même le sol, une gamelle pleine d’une eau à la couleur étrange. Réprimant un frisson de dégoût, il but et régurgita le tout quelques secondes plus tard. C’était infect. L’eau semblait avoir le goût de moisi. Il fut pris de spasmes et se cala dans un des coins inconfortables des murs. Il avait froid maintenant et désirait sortir au plus vite.

Les heures passèrent dans le silence total, la bougie s’était éteinte et la pénombre avait repris son droit sur la pièce. Derrière la porte de fer, un grattement se fit entendre, un déclic.

La lumière s’engouffra.

Renop 1227. Dans la calèche.

Le Maître posa son regard sur Silk. Bien que vieux, il était extrêmement impressionnant. Ses yeux plus particulièrement, incitaient les gens à le craindre. Certains disaient que la couleur de son iris variait avec son humeur et que, plus ils étaient sombres, plus il fallait se tenir à l’écart.

Le bruit assourdissant du galop et des cailloux de la route couvrait toute sonorité de sorte qu’il eut été impossible de se parler. Il se contenta donc de le fixer et Silk, ne sachant trop que faire, continua de regarder par la fenêtre donnant sur une étrange forêt obscure. Il ne savait pas où il était, il avait refusé de lui dire la raison de ce déplacement et la destination qu’ils atteindraient bientôt. Le jeune homme soupira, la calèche poursuivait sa route.

Blasdon, 1220. Dans une maison de Trigorn.

Un homme au physique de taureau s’approcha et saisit l’enfant d’une main. Trop terrorisé pour tenter quoi que ce soit, il se laissa faire, transporté comme un sac de grain sur le dos de ce mastodonte. Ca montait, montait, montait. Il referma une porte derrière lui et entra dans un salon. Il n’y avait pas de lumière, seule la lune permettait d’avoir une vague vision d’ensemble de la pièce qui semblait constituer toute la maison. D’une manière brusque, on le fit s’asseoir sur une chaise. Un fumet attira son attention : juste devant lui se trouvait un morceau de viande rôtie et une carafe de vin. Son ventre criait désormais famine à n’en plus finir et aurait pu réveiller toute une ville. Peut importait où il était, la seule chose qui le raccrochait encore à la raison était sa faim. Il aurait tout le temps de penser le ventre plein. Il se jeta sur le plat et se goinfra comme jamais. Dans son coin, l’homme qui l’avait fait monter acquiesça et sorti de la maison, refermant la porte à clé.

Une fois le tout engloutit, Silk s’essuya les mains et observa de nouveau la pièce. Il y avait un lit, une table de chevet et une commode dans un des coins, la table sur laquelle il se trouvait était placée au milieu, presque colée à une cuisine rudimentaire et…c’était tout. Il se leva doucement et, sur la pointe de pieds il alla voir à la fenêtre. Dehors, tout était plongé dans la nuit noire. Inutile, il n’y avait aucun moyen de savoir où il se trouvait.
Le lit devenait tentant et n’ayant pas d’autres choix, fatigué de devoir attendre le retour de cet inconnu, il s’endormi. Ses rêves furent agités : il voyait une maison brûler, une forme noire ricanait dans un coin, il était dans une maison, aussi petite que celle où il était détenu, il y avait deux personnes : un homme et une femme qui le regardaient. Dehors : du sable à perte de vue…

On le secoua comme un tonneau. Silk se réveilla en sursaut, manquant de tomber du lit.
C’était le matin ou peut-être midi. Le gros bonhomme de l’autre soir se tenait face à lui. Il avait un visage rond, de grosses lèvres et un regard de débile. C’était une montagne de muscle dont la sommet était vide : un homme de main. A ses côtés, il y avait une autre personne, plus âgée, mince, les traits tirés, vieux et maladifs.

On l’appelait le Maître.


Renop 1227. Forêt sud de Sarosa.

Le cocher hurla de frustration : ils avaient frôlé l’accident. Sur la route, il y avait un renfoncement, une sorte de nid de poule qui les avait surpris. La roue ne supporta pas le choc et se rompit d’un coup net, se détachant de l’ensemble. Basculant d’un coté, traînant sur le roc dur du chemin, le côté droit de l’appareil, privé de sa roue, déséquilibra les chevaux. Avec la vitesse, ils ne purent réagir à temps et l’un des quatre coursiers perdit la vie, se rompant le cou dans sa chute.

Pestant contre la malchance qui l’accablait, le petit homme bossu qui menait d’une main habile la calèche s’attelait à réparer les dégâts au plus vite avant que ses passagers ne se fâchent.

Ceux-ci étaient sortis et s’étaient assis sur une souche. Le vieillard fumait lentement une herbe nauséabonde. Silk , quant à lui, attendait, sans rien dire. Il ne parlait plus beaucoup depuis sept années à vrai dire. Sept années passées avec cette vieille personne qui devint son mentor. Aujourd’hui âgé d’une quinzaine d’année, c’était un nouveau Silk, une tout autre personne que l’enfant joyeux d’autrefois.

Blasdon, 1220. Dans une maison de Trigorn.

Le Maître : - « Tu as dormi trois mois. Nous t’avons tenu dans cet état artificiellement grâce à certaines méthodes que tu n’es pas encore apte à concevoir. Tout ceci afin que le monde t'oublie, que tu disparaisse à jamais. Il était trop risqué de te garder conscient pendant cette période.
Je suis le Maître, chef suprême d’une organisation secrète. Dans la réalité je n’existe pas, je ne suis personne. Dans les ombres, je suis le Dieu, je dicte ma volonté et tout le monde s’y plie. »


Une boule se forma dans la gorge de Silk. Il n’avait rien demandé, pas même posé une seule question. Il s’assit sur le lit et écoutait le discours du vieil homme qui parlait d’une voix faible, presque éteinte mais pourtant terrifiante. Il avait tant et tant de questions mais il était inutile de les poser. Il avait déjà tenté et s’était fait frapper par le gros homme de main qui ne le lâchait pas une seconde des yeux. Il n’avait apparemment pas le droit de parler, pas encore…

Le Maître : -« Je me suis fait oublier depuis longtemps, plus personne ne se souvient de moi et j’ai préféré m’oublier moi-même. Chef de quoi ? Tu te l’ais sûrement demandé. Tu verras les immenses tentacules de mon organisation en temps utile. Tu suivras mon apprentissage à partir de demain. J’ai besoin de toi pour rembourser la dette de ton père. »

Renop 1227. Forêt sud de Sarosa.

Le sol était couvert de sang. Trois cadavres jonchaient la route.
Le Maître essuya son épée sur le dernier qu’il avait tué et Silk leur faisait les poches rapidement.

Le maître : - « Les brigands n’ont plus leur place en ce monde. Il nous aurons fait faire un peu d’exercice. Ils croyaient nous déposséder de nos trésors hahaha les sombres fous ! Les voila dépossédés de leur misérable vie. »

Silk : - « Une quinzaine de pièces d’or à l’effigie du roi. Trois dagues, une épée. »

Ils rangèrent le tout dans la calèche et rentrèrent de nouveau à l’intérieur de la voiture. Elle était réparée, les chevaux rattachés. Ils laissèrent là leurs victimes et poursuivirent, toujours plus au sud.

Quelques jours plus tard, ils arrivèrent enfin à Proncillia, la ville de la haute magie. Elle se dressait fièrement avec ses dômes et ses tours , arrogante, supérieure. Silk détestait déjà cette ville.

Il faisait nuit lorsqu’ils s’arrêtèrent dans une auberge. Ils étaient, aux yeux du monde, de pauvres hères prenant un peu de repos dans l’auberge de cette noble ville. Cet alibi leur était nécessaire pour les différentes tâches qu’ils auraient à accomplir ici.

Les jours passèrent. La méfiance de proncillia s’endormi. On ne se soucia plus d’eux, ils faisaient partie du décor. Ainsi, par un de ces soirs ou la brise chaude annonce déjà le retour de Moniac, on pouvait distinguer deux ombres au pied d’une des tours de la ville.
Un murmure presque inaudible indiquait une conversation agitée entre les deux compères.

Le Maître : « …Voila. Tu vois le sommet de cette tour ? Tout au dessus, dit-on, un des mages les plus riches de la ville y cacherait une immense fortune. Il l’aurait amassée grâce à une quelconque découverte magique. Il y a deux vigiles à l’entrée. C’est peu mais prend garde car les pièges magiques installés tout au long du chemin sont plus périlleux que quelques gardes supplémentaires. Il ne sont là que pour faire joli dirons-nous.
Tu sais ce qu’il te reste à faire ? »


Silk entra dans la tour. On entendit les gardes l’interpeller, quelques murmures courroucés suivis de cris étouffés, le fer d’une lame que l’on dégaine, des gargouillements horribles puis le silence. Le seul bruit était un claquement régulier et sec qui progressait en hauteur. Quelqu’un montait tout en haut de la tour…




Blasdon, 1220. Dans une maison de Trigorn.

Ils avaient permis au petit enfant apeuré de poser librement des questions. Le vieux souriait presque sadiquement et répondait en toute franchise. Il s’était assis sur le lit car son dos le faisait souffrir. Le débile brutal préparait le repas du soir.

Silk : -« Mon père ? Borü ne devait rien à personne ! Menteur ! »

Il fut giflé une nouvelle fois. Silk porta sa main à ses lèvres : il saignait.

Le Maître : -« Tu risques d’attirer l’attention sur nous, jeune loup. Parle donc plus calmement.

Il reprit sa respiration, se massa la main avec laquelle il venait de gifler l’enfant et continua.

Le Maître : -« Sache que ce gros baril de Borü n’était pas ton père. Il t’a recueilli quand tu n’étais qu’un bébé, abandonné sur les quais de Trigorn. A tes côtés j’avais noté ton nom ou plutôt le nom que j’avais décidé de te donner : Silk.
Ton vrai père, peu importe son nom, me devait une somme colossale d’argent. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est mort, un soir, étouffé de mes propres mains. Lui et ta mère étaient pauvres et, pensant mettre fin à sa misère, il avait cru bon de parier toute sa prétendue fortune avec un homme âgé qui sirotait tranquillement son verre de bière dans une taverne perdue au beau milieu du désert de l’île des cinq sages. Ce vieil homme : c’était moi. Il pensait peut-être avoir affaire à un vieillard fortuné et priait le ciel qu’il puisse me soutirer quelques pièces.
Il perdit, bien entendu et, lorsque j’appris qu’il ne possédait rien en ce monde – si ce n’est sa misérable carcasse-, je rentrai dans une colère folle. Le mensonge, vois-tu, me dégoûte. Je suis un homme des ombres mais j’ai gardé certains de mes principes et la vérité en fait partie… J’attendis donc, laissant le temps à ma colère d’embraser ma rage. J’espérais sincèrement qu’il puisse un jour me payer mon gain mais, comme tu t’en doutes, il ne le put jamais car, entre temps, il eu un fils : toi. Il n’y avait plus d’espoir, ni pour moi et mon argent, ni pour eux et leur vie déjà précaire. J’ai donc donné un petit coup de pouce au destin. Ton père mourut dans la nuit, ta mère tenta de le réveiller au matin : en vain.
J’avais appris ton existence et, en toute logique, je t’ai repris à eux et abandonné à Trigorn, croisant les doigts pour que quelqu’un te ramasse.
Ce fut le cas. Borü te pris sous son aile et tu grandis. Je t’observai des jours entiers, soupesant ta croissance, tes faits et gestes, ton caractère. Le moment venu, j’ai mis fin à la vie de ta famille d’adoption. »


Silk tremblait comme une feuille. Ces paroles étaient un venin qui s’infiltrait en lui, dans tout son être. Il ne savait pas si tout cela était vérité ou mensonge, il ne voulait pas le savoir. Il sentait les larmes piquer ses yeux et menacer de couler mais il se mordit la lèvre afin de leur faire rebrousser chemin. Non ! Il ne pleurerait pas. Il affronterait ce destin qui était le sien. Qu’il soit vrai ou pas.

Le Maître haussa les épaules.

Le maître : -« Je ne pouvais pas te donner de raison de t’attacher au monde. Comprends bien que tu es tout à moi, Silk. Tu es mon enfant, ma marionnette. Ta naissance a engendré la mort de ton père qui, malgré son travail n’a pas su me rembourser. Tu te dois, à juste titre, de réparer ce tort que tu leur a fait en venant au monde. »

Sanglotant, l’enfant ne pu retenir une question qui lui brûlait les entrailles.

Silk : -« Je ne vous dois rien. Je ne suis pas mon père ! Même si toute votre stupide histoire était vraie, vous n’avez aucun droit sur moi. Laissez-moi partir ! »

Le géant, affairé dans la cuisine rigola. Le vieillard pointa la porte en souriant.
C’était sa chance et il n’allait pas la laisse filer ! Prenant ses jambes à son cou, il fuit.
Moitié pleurant, moitié hurlant, il traversa des ruelles qu’ils ne connaissaient pas, fonça sur des personnes inconnue, perdit tout sens de l’orientation et…aboutit, presque par le plus grand des hasards à son ancienne rue. Il était donc à Trigorn…détenu depuis plus de trois mois !
Il s’élança et couru jusqu’à son ancienne maison.


Dernière édition par le Sam 20 Jan 2007 - 10:29, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Les Chroniques de Silk.   Les Chroniques de Silk. EmptyVen 19 Jan 2007 - 23:55

A genoux, sur le sol, il pleurait. Il ne restait plus rien. Seul un grand vide calciné témoignait de l’emplacement de son chez-soi.
Dans la rue déserte, des bruits de pas se firent entendre. C’était le Maître. Encore.
Il s’agenouilla, colla sa bouche contre l’oreille de l’enfant et murmura doucement…

Le Maître:-« Courre donc, Silk. Tu n’as nulle part ou aller. Personne ne voudra de toi. Tu crèveras dans la rue. Je t’ai tout enlevé pour que tu puisses me donner d’avantage…
Saisis ta chance, prends ma main, apprend ce que je t’enseignerai et accompagne moi dans les ombres. »


Un regard sombre lui répondit.

Silk:-« Vous m’avez tout pris, vous m’avez retiré tout ce que j’avais pour mieux me contrôler…Pourquoi moi ? Vous voudriez que je suive l’assassin qui m’a ôté mes deux familles ? A moins que ce ne soit un stupide mensonge ! Pourriture ! »

Le petit poing du gamin partit et s’écrasa sur la joue du vieil homme. Celui-ci ferma les yeux pour finalement parler d’une voix calme.

Le Maître : -« Choisis ta route. Meurt ou suis moi. Vient donc rembourser la dette de ton père et payer ton crime : être en vie. Travail pour moi et tu laveras peut-être son âme et la tienne. Je te donne une chance de grandir à mes côtés. N’oublie pas que je n’ai jamais dit que j’avais tué ta mère. Qui sait ? Peut-être que la folie ne l’a pas consumé ?»

Silk interrompit net sa seconde tentative de frapper cet homme qui le dégoûtait et ouvrit tout grand la bouche. Il ne bougeait plus, paralysé par cette remarque. Il se cramponna au regard changeant du vieil homme, passant du sombre au clair. Il déglutit faiblement et se relâcha, desserrant le poing.

Silk : - « Maman est en vie… »

Le Maître : - « Peut-être. »

Ils se regardèrent longuement et seul le vent de ce mois de Blasdon leur tenait compagnie dans la rue dévastée par l’incendie. Le petit garçon fronça les sourcils, releva fièrement le menton et serra les dents.

Silk : - « Vous m’avez tout enlevé. Je travaillerai pour vous, assassin. Je rembourserai la dette de mon père, la mienne envers lui et, un jour, je vous tuerai. J’en fais le serment. »

Un sourire sur le visage du Maître. Un ricanement. Une main tendue.

Le Maître : -« Bienvenu dans les ombres, Silk. »
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MessageSujet: Re: Les Chroniques de Silk.   Les Chroniques de Silk. EmptyVen 19 Jan 2007 - 23:59

Chapitre quatre.


De grosses gouttes de sueurs venaient s’écraser sur le sable fin et intensément chaud.
Il était presque impossible d’ouvrir les yeux tant la lumière s’en donnait à cœur joie en cet endroit insolite, si particulier. Ainsi, avançant péniblement au rythme saccadé d’une marche longue et solitaire, un point noir s’éloignait déjà au dessus de la ligne d’horizon aux allures fugitives sous l’effet de l’intense chaleur. Sa piste aurait été aisément repérable si un vent capricieux n’avait pas commencé à s’agiter et à emporter avec lui la poussière des sables immortels.

Ces derniers temps, le Maître était faible et restait constamment au lit. Son organisation semblait s’effondrer en même temps que sa santé. De plus en plus de ses membres se faisaient arrêter par le roi et ses gardes tandis qu’un nom circulait déjà dans Trigorn : Zoy. Il semblait avoir pris en charge l’armée de sa majesté et son rendement était plus que convaincant. On racontait également que, parmi les soldats, certaines personnalités émergeaient et lui prêtaient main forte avec un retentissant succès. Ainsi, inexorablement, la corporation des voleurs perdait de l’emprise et le filet royal se resserrait de plus en plus dangereusement autour du cou du vieux Maître consumé par une grave maladie contractée durant de trop nombreux voyages.
Il toussait, crachait du sang et restait alité sans bouger ni même parler. Il fixait le plafond comme si ce fut la dernière chose qu’il eut pu faire. Lorsque l’on entrait dans sa chambre, c’est à peine si il dépassait des draps tant il avait maigri. Seul son râle, sa lente agonie, le rapprochait du monde des vivants. Lorsque la maladie se déclara, nombres d’adeptes accoururent, apportant médecines et cures inutiles. Puis, avec le temps, lorsque le respect pour leur chef s’estompa, lorsqu’ils comprirent que ce petit tas d’os autrefois si puissant n’en avait plus pour longtemps, quand leur passion fut éteinte et qu’elle laissa la place à l’indifférence la plus totale, il l’abandonnèrent à son sort et le nourrissaient seulement par simple habitude.
Privée de son chef, formée par une bande d’incultes et d’ignares cupides, sans plus aucun repères ni d’ordres à recevoir, l’œuvre de toute une vie de noirceur et de corruption fut compromise. Dans les couloirs de leur repaire secret, il restait peu de monde. Il y en avait qui n’avaient pas d’autre maison et d’autres qui s’efforçaient d’entretenir le feu sacré de leur dévotion perverse envers le Maître. Ils réalisaient des larcins, de petits vols à l’étalage bien lointain des rêves et visions de grandeur du vieillard qui les dirigeait. Alors, tout fière d’avoir l’honneur d’encore le servir, ils venaient se prosterner devant le mourrant qui ne les voyait déjà plus et, les yeux emplis de larmes de joie, ils venaient lui montrer leurs trésors dérobés, parfois au prix d’une vie innocente. Ceux qui n’avaient pas encore quitté les lieux perdaient peu à peu l’esprit. Celui-ci était déjà depuis bien trop longtemps rongé par les immondes paroles vénéneuses du Maître. La plupart n’étaient que des enfants lorsqu’ils les recueillit et les entraîna à être ce qu’ils étaient devenu : des marionnettes qui sentaient que quelque part, bien au dessus d’eux, des fils se rompaient, que la main qui les tenait d’une manière si ferme depuis le début de la pièce perdait de plus en plus rapidement de sa sûreté et que bientôt, très bientôt, leurs membres de bois tomberaient sur le sol avec un bruit sourd. Grande était leur peur car ils se sentaient réellement incapables de se relever d’eux même. Chaque jour, ils le maintenaient en vie pour donner encore un sens à le leur.

Silk resta à son chevet jusqu’à la fin. Il endura les démences des derniers jours, la puanteur de cadavre qu’exhalait le vieillard, les bruits lugubres d’étouffement lorsqu’on le forçait à boire, l’obscurité de la pièce dont la bougie n’était même plus remplacée. Tout était froid, vide et mort. On entendait bien parfois quelques pas qui se changeaient en des courses effrénées lorsqu’une crise de toux prenait le Maître mais lui, il observait, sans bouger, presque inanimé. Pourtant, son regard ne cillait pas. Silk attendait que la mort emporte l’âme de cet homme sans scrupule, de cette infâme ordure qui l’avait privé de sa vie, de ses joies. Mais la vérité se devait d’être plus profonde…
Il avait beau le haïr de toute son âme, prendre plaisir à le voir mourir à petit feu et se décomposer comme un détritus, il demeurait une minuscule place pour de l’amour. Le Maître avait remplacé tous les pères qu’ils n’avaient jamais eu, lui avait appris tout ce qu’il avait besoin de savoir, ils avaient passé de nombreux moments ensemble et c’était tout ce qu’il fallait. Un microscopique grain d’amour, presque invisible à nos yeux comme à ceux de Silk mais pourtant bien présent. Il ne pouvait se l’avouer et ne l’avouerait jamais au monde mais ce vieil homme pourtant misérable et pervers avait pris dans sa vie une place centrale.
Ainsi, en le regardant mourir, il se vengeait et voulait, paradoxalement, être là pour assister aux derniers moments d’un être aimé, d’une certaine façon.
Puis, par une nuit pluvieuse, le vieillard partit rejoindre l’endroit où les mauvais se retrouvent tous en fin de compte. On raconte parfois que, cette nuit là, on aperçut une barque qui quittait le port de Trigorn. A son bord, disait-on, on pouvait apercevoir deux silhouettes indistinctes et, plus étrange encore, la barque ne bougeait même pas malgré les flots agités par la tempête…

Dans la chambre à présent plongée dans la totale pénombre, Silk se leva et resta longtemps face au cadavre. Il le laissa là, à même lit condamné à être dévoré par les vers.
L’écho de ses pas retentissait dans les couloirs sans vie. Il savait où aller car il était enfin libre d’agir. La porte n’était même pas fermée mais bien défoncée à coup de hache. Finalement, l’appât du gain avait eu raison des « enfants du Maître ». Il n’y avait plus rien d’autres que des décombres de meuble, des tiroirs arrachés, des feuilles qui traînaient en tout sens. Envolés les somptueux tableaux accrochés aux murs, disparus les bijoux du coffre fort et les tapis venant de partout et de nulle part. A leur place ne subsistaient que le désordre et la poussière.
Il ne savait pas pourquoi il était ici. C’était plus une sorte d’intuition qu’une réelle envie. Tiraillé entre la force de ses sentiments et celle de sa logique, ses pas l’avaient mené ici. S’il s’était écouté, il aurait déjà quitté le repaire au plus vite. Cependant, une mystérieuse alchimie, une volonté autre que celle de sa propre conscience l’attirait en cet endroit précis.
Sur le bureau, un papier et, juste à côté, une fiole contenant un liquide ambré.
Le papier sentait la poussière et l’âge en avait jaunie les contours. Il se saisit d’une chandelle miraculeusement allumée et entreprit de le lire.
Quelques jours plus tard, il était parti pour le désert des cinq sages.

Et voila que le temps de vous narrer ces faits ont suffit à la forte bourrasque pour rattraper ce petit point perdu dans l’immensité de l’horizon désertique. Le vent soufflait de toute part et on n’y voyait plus à deux pas. Se couvrant les yeux sous sa cape de voyage, il transgressait tant bien que mal toutes les règles de la nature. Déchaînée, la tempête des sables semblait vouloir l’enfoncer, le noyer sous les grains dorés. Tel un monstrueux nuage de mouches, ils vrombissaient autour de lui et s’infiltraient partout où il y avait de la place. Il les sentait entrer dans ses narines comme pour l’étouffer, dans sa bouche pour lui faire goûter l’avant-garde de l’amertume qui l’attendait, dans ses yeux pour le priver de sa vision qu’il jugeait clairvoyante, dans ses oreilles pour remplacer tout sons de l’humanité par le hurlement du vent et le crissement du sable en colère et ainsi, le couper du monde.

Plié en deux, sa cape noire volant en tout sens, il lutta avec acharnement contre les éléments tant et si bien qu’ils abandonnèrent. Silk sortit de cette expérience amoindri, faible et assoiffé.
Lorsque le vent se calma, il dut subir une incroyable vague de chaleur car plus rien ne venait refroidir sa peau, plus rien ne le protégeait des ardents rayons du soleil meurtrier.

Il avança, avança, avança…

Quand il rouvrit les yeux, il fut surpris d’apercevoir la blancheur immaculée d’un ciel comme il n’en avait jamais vu. Il cligna des yeux plusieurs fois et, lorsque ses sens se remirent en marche, il comprit que ce n’était pas le ciel qu’il voyait là mais un plafond.
Avec précaution, il tourna la tête sur sa gauche, sa droite et l’étonnement le saisit de nouveau. De toute part, des enfilades de lits semblables à celui sur lequel il était couché s’alignaient en une morne file sans fin. Il se secoua et se redressa afin de pouvoir observer à son aise.
Un hôpital. Il était dans un hôpital. Bébés, petits enfants, adolescents, vieillards, adultes : il y avait de tout dans cette salle commune où tous étaient placés.
Sur un des murs, tout au fond de la pièce immensément longue, lui apparut un écusson : l’emblème de cette maison de soins de Karasa.
Quelle chance ! Il y était !
Plus tard dans la soirée, on lui appris qu’il avait été retrouvé, agonisant sur le bord de la route. Le sable commençait déjà à le recouvrir lorsqu’une caravane marchande le repéra et l’amena ici même. On lui répéta sans cesse qu’il avait été imprudent, qu’il n’aurait jamais du partir de la sorte et que les voyages dans le désert nécessitaient une longue préparation. Il n’écoutait pas mais faisait semblant et hochait de la tête de temps en temps pour ne pas éveiller les soupçons. On lui avait appris à se faire discret. Il se laissa guérir, n’attendant qu’une chose : qu’on l’oublie et qu’il puisse opérer sans soucis.
Les semaines passèrent, lentes comme les longues après midi où la chaleur les accablait de fatigue. La salle sentait la sueur, l’urine, la maladie, la vieillesse, les herbes aromatiques et un millier d’autres odeurs. Plus les jours passaient et plus il s’habituait à cette nouvelle vie fictive. Il reprenait des forces, récupérant ce que le soleil lui avait repris : sa vitalité. En quelques semaines, on lui permit de marcher sans assistance bien qu’il en aurait été capable depuis fort longtemps, il pu manger normalement et faire de longues promenades en prenant garde à ne pas trop s’éloigner de l’hôpital.

C’était en réalité une vaste bâtisse décrépie d’une blancheur d’ossement, un vaste squelette de plâtre dans lequel vivaient, survivaient ou mourraient des personnes. Les fenêtres étaient étroites et peu nombreuses pour limiter la trop forte chaleur. Pourtant, à l’intérieur ne régnait pas ce climat frisquet et léger que l’on y désirait mais bien une atmosphère lourde, imprégnée de la tiédeur moite de la mort. Une seule pièce constituait l’espace. On aurait dit un vaste corridor dans lequel s’alignaient des tas de lits de fer et de draps sales.
Dans un coin, quelqu’un agonisait, une vieille parlait à son mur, un autre se roulait en boule, agité par des spasmes. Du sang, de la sueur, de l’espoir vain, une lutte contre l’inévitable.
Si Vanilius avait une maison en ce monde, Silk l’avait trouvée.

La nuit approchait à grand pas et c’est ce moment qu’il choisit pour agir. Sous le couvert de la pénombre, il planait de coins sombres en coins sombres. Le couvre feu : il en riait.
Silencieux, discret, déterminé. Trois mots qui le résumaient bien.

Elle dormait profondément, les sourcils froncés. Elle était vieille, ridée, laide et belle à la fois, elle sentait le moisi et ses joues sales étaient striées de ruisseaux blancs. Elle avait du pleurer beaucoup récemment. Les mains de Silk tremblaient et c’était bien la première fois. Son cœur battait au rythme de sa crainte et il déglutit péniblement comme pour tenter d’apaiser son cœur ou d’en réduire les battements par la salive ingurgitée. Sa main se leva et en un éclair elle se plaqua sur la bouche de la vieille femme. Elle se réveilla en sursaut et ouvrit de grands yeux bruns paniqués. Elle se débattit et aurait hurlé si Silk n’avait pas maintenu fermement sa main sur ses lèvres. Elle gigotait dans tous les sens, ne pouvant se défaire des sangles qui la retenaient. Elle était folle, dangereuse pour elle et pour les autres. Cela faisait des années qu’elle vivait attachée, à l’écart des autres comme un animal, se nourrissant et buvant sans rien de plus ni rien de moins que la satisfaction de vivre. Misérablement, certes mais vivre quand même.
Lorsque ses yeux croisèrent ceux de cet étrange homme tout de noir vêtu qui la réduisait au silence, elle s’apaisa comme par enchantement. Elle aurait voulu parler mais en était incapable. Elle aurait tant voulu lui dire ce qu’elle voyait, ce qu’elle ressentait ! C’était une effusion de joie, un miracle que les dieux lui accordaient ! Il devait savoir, cet homme devait savoir ! Il était là, enfin…

Surpris, il lui sourit, presque tendrement et déboucha une fiole de couleur dorée, comme de l’ambre. Un liquide épais et à l’apparence noble flottait dans ce piège de verre.
Il lui tendit, tout doucement et porta la fiole à ses lèvres. Elle avala péniblement ce liquide visqueux et, tandis qu’il descendait en elle, elle sentit tout son corps se régénérer, rajeunir, revivre. Elle se sentit capable de parler et ce fut avec un suprême effort qu’elle lâcha ses derniers mots :

« Tu ressembles tant à ton père… »

Elle mourut en souriant et pleura de joie pour la première fois depuis bien longtemps. Elle emporta avec elle la plus belle image de sa vie : celle de son fils.


Silk ne comprenait pas. Il tremblait comme une feuille, la fiole encore en main. Il fixait celle qui l’avait mis au monde, celle qu’il aurait pu appeler « mère ». Avec un geste de rage, il ressortit la lettre et la relu de nouveau. Il la chiffonna, la roula en boule et la fourra dans sa poche.
Toute la nuit durant, il resta au pied du lit, serrant une vieille main décharnée et encore brûlante du peu de vie qu’il y restait.
Le lendemain, Silk, ses vêtements, ses armes et la vieille folle avaient disparu.

Non loin de la ville portuaire du désert, du sable fut rapidement retourné à la force des mains. Une mère y fut déposée et une simple fiole qui reflète encore le soleil de temps à autre témoigne de l’endroit où l’amour demeure.
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MessageSujet: Re: Les Chroniques de Silk.   Les Chroniques de Silk. EmptySam 20 Jan 2007 - 0:01

Lorsqu’il rentra à Trigorn et que ses pas le conduisirent au sud de la ville, à travers les bois sombres, désoeuvré et saoul, il s’assit contre un grand mur de pierre. Il déroula calmement la lettre et, alors que la lune était pleine, les rayons vinrent éclairer sa lecture. Sous ses yeux, apparut la vraie teneur du message :

Silk,

Voici une fiole contenant une cure oubliée de tous. Elle n’a pas de nom mais te permettra de sauver ta mère qui s’est depuis longtemps perdue dans la folie. Ainsi, elle redeviendra celle qu’elle était et j’aurai tenu ma parole. Je mourrai bientôt et je te rends donc ta liberté.
D’après mes renseignements, on l’aurait enfermée dans un hôpital d’une des villes du désert de cinq sages, près de Karasa. Elle est attachée à un lit, c’est la seule à recevoir ce traitement depuis qu’elle a perdu la tête quand j’ai assassiné son mari et que je t’ai enlevé à elle.
Cherche là, Silk et profite du présent que je te fais…


L’écriture se différenciait à partir d’ici. La lune blafarde révéla une encre invisible qui ne se dévoilait qu’en cas de pleine lune : une vieille technique de voleur à laquelle il n’avait pas pensé !

Oui, mon fils, prends bien soin de ce présent car ce sera mon dernier, ma touche finale en ce monde. Je ne t’ai jamais enseigné la composition de ce produit que tu tiens entre tes mains.
C’est bel et bien une cure mais, cependant, elle tue instantanément quiconque la boit. L’effet de soin en est tellement absolu que le corps ne le supporte pas.
Il semblerait, mon fils, que la vie ne soit qu’un leurre que les dieux nous accordent pour mieux nous voir mourir.
Quand tu auras lu ceci, il sera sans doute trop tard car, dans ta hardiesse et ta précipitation, tu n’auras même pas eu le moindre soupçon.

Je t’enlève donc la dernière personne qui alourdissait ta destinée. Tu es libre désormais.
Ne me remercie pas, je n’entendrai pas de là où je suis.

Je sens ta rage qui monte en toi à la lecture de ces ligne, même depuis l’au-delà.
N’entends-tu pas mon rire ?

Vois ça comme la dernière farce d’un voleur rusé, un dernier cadeau offert au monde : l’ironie de ma victoire sur toi.

Le Maître.


Vidé. Il était vidé. Il n’éprouvait nulle rage, nulle frustration. Juste le sentiment de s’être fait avoir et la lourde culpabilité d’avoir tué sa propre mère. Cependant, il était depuis bien trop longtemps dénué de sentiments, délesté de la peine, de la joie, de la tristesse, du remord. Il avait fait une bêtise et s’en voulait. Il aurait aimé parler à sa mère, la serrer dans ses bras et ne plus être seul mais ça ne pouvait apparemment pas être le cas. Il ne s’en faisait pas outre mesure, il était désormais habitué.

Il redressa la tête et contempla le ciel et quelle ne fut pas sa surprise quand il contempla la hauteur de ce mur !
Il était appuyé sur la muraille du château du roi et pouvait entendre des gardes faire leur ronde nocturne tout là haut.

Il n’avait plus rien à faire et décida de relever un nouveau défi, même s’il y perdait la vie : voler le trésor royal. S’il se faisait capturer, il pourrait toujours se faire enrôler, après tout.

Un grappin se fixa au dessus de la muraille suivi quelque seconde plus tard par une ombre examinant le jardin du roi en contrebas. S’apprêtant à descendre au cœur même du château il murmura tout bas pour son compte :

« Silk, soldat du roi : la bonne blague ! »

Mis grimaçant, mi ricanant, il disparut entre les arbres du jardin royal. Il ne se doutait pas encore qu’il avait trouvé sa maison.


Fin.
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